guess i kinda liked the way you helped me escape (julian&iseult)

Un dernier regard vers le rédacteur en chef puis Iseult tourna les talons, non sans pouvoir s’empêcher de lever les yeux au ciel avant de lui tourner le dos. Ce job, elle en avait besoin. Au moins pour le moment, le temps de se poser pour réfléchir. Mais ça n’avait jamais été son truc de se cantonner à ce qu’on attend d’elle, à répondre à des exigences particulières et encore moins lorsqu’il s’agissait de photographie. Travailler pour le journal de Wexford était une bonne opportunité dans le sens où elle pouvait continuer de vivre de la photographie tout en ayant une certaine stabilité, mais cela ne faisait pas un mois qu’elle travaillait là et elle n’en pouvait déjà plus. Le manque de créativité l’étouffait. Elle n’avait qu’à être au bon endroit, au bon moment et autant dire que couvrir les faits divers de la ville ne frôlait en rien la grande photographie. Enfin qu’importe. Sa journée était à présent terminée, elle pouvait quitter les lieux afin de profiter du grand air. Au programme ; une ballade au bord de l’eau en compagnie de son meilleur ami, son appareil photo. Il n’était que dix-sept heures et il était tout bonnement hors de question pour la brune d’aller se terrer et s’enfermer dans son petit studio alors que la météo était clémente. Certes, les températures étaient un peu fraîches, mais rien qui ne pourrait l’empêcher de profiter de l’air marin. Rien, sauf peut-être cette personne sur laquelle la photographe ne pensait pas tomber en quittant le travail. Julian. Il se trouvait là à quelques pas du bâtiment et il était plutôt délicat de faire comme si elle ne l’avait pas remarqué en poursuivant son chemin alors que leurs regards s’étaient croisés. Évidemment, elle savait que le jeune homme était de retour en ville, elle l’avait déjà croisé de loin il y a plusieurs jours de cela et, ne vivant pas dans une grotte, il lui paraissait logique qu’il soit de retour à Wexford suite au naufrage qui avait coûté la vie de son père. Cependant, elle ne s’était pas imaginé le revoir si rapidement, elle n’avait pas envisagé de le revoir tout court en réalité, espérant qu’il reparte pour de l’humanitaire, la laissant gérer seule la mouise dans laquelle elle s’était fourrée. Enfin qu’importe, il n’était au courant de rien et il suffirait à la jeune femme d’agir comme si de rien n’était. Iseult laissa alors un sourire se poser sur ses lèvres, un sourire qu’elle voulait naturel, de ceux qui apparaissent au coin des lèvres lorsqu’on retrouve un vieil ami. « Hey. Comment tu vas ? » lança-t-elle finalement, après quelques pas dans sa direction. La question est probablement mal placée, elle imagine bien que ça ne doit pas être la grande forme, mais la politesse reste de mise. Et puis que pouvait-elle dire d’autre ? L’envie de l’étreindre est là, comme elle aurait pu le faire à maintes reprises alors qu’ils étaient en vadrouille tous les deux. Mais ça n’est plus le cas, ils sont de retour chez eux, les choses sont différentes et aux yeux de la brune, c’est comme si une barrière invisible s’était doucement dressée entre eux. C’était pas compliqué avant, ici, il se pourrait que ça le devienne et inutile de préciser que ça la freine.

Depuis que t'es revenu, t'as pas eu une seule nouvelle d'elle. Faut dire que t'as appelé qu'une fois et que ton appel est resté sans réponse. Sur le moment tu t'es dit qu'elle était sûrement occupée. Ensuite c'est devenu vexant. Alors que tu reçois des messages de tous les gens que t'as pu croiser dans ta vie depuis la disparition de ton père, se confondant en messages d'excuses, de condoléances, de compassion, même de personnes que tu n'as pas croisé depuis dix ans, celle avec qui t'as partagé plusieurs mois n'a même pas daigné t'appeler. Pas un putain de message. Ca fait une demie-heure que t'attends en bas de l'immeuble  de la rédaction du journal. Tu sais qu'elle bosse là, t'as besoin de lui parler. C'est con. T'essayes d'apprendre à vivre en te disant que ton père n'est plus là, ce qui te fait un mal de chien, et t'as besoin de la voir parce que c'est elle qui a été ta constante ces derniers mois. C'est con, mais quand vous étiez loin d'ici vous pouviez parler de tout, sans filtre, c'était bien. Là t'as l'impression qu'y a un truc entre vous. Pourtant, même avant de voyager ensemble vous étiez amis. Alors pourquoi là c'est différent ? Pourquoi est-ce qu'elle n'est même pas venue te voir alors que... ton père vient de mourir merde, c'est pas rien quand même.
Elle apparaît enfin, vos regards se croisent. T'oses presque croire qu'ils se cherchent. Mais non. Ils se croisent juste parce que t'es vraiment juste en face, qu'elle pouvait vraiment pas te louper. Iseult. Elle a le mérite de pas se démonter, elle arrive vers toi et elle te salue avec cet aplomb qui est le sien. Tu la fixes, tu la dévisages presque alors qu'elle te demande comment tu vas. En fait tu te sens presque stupide d'être venu jusqu'ici. Sérieux ? Comment tu vas ? C'est ça son entrée en matière ? Pas d'excuse ? Pas de "j'suis vraiment désolée j'aurais du t'appeler, j'espère que ça va... " nan, hey comment tu vas. Ta mâchoire se serre un peu le temps d'une fraction de seconde.
- Hey... Et bah... J'sais pas trop... Tu bosses vraiment là dedans ?
Ouais, tu trouves ça étonnant, c'est pas son genre. Iseult tu la vois plutôt ouvrir sa galerie d'art pour y exposer ses photos, pas prendre des clichés de la fête de la moule du village du coin... Mais soit, elle doit avoir une bonne raison... Qu'est-ce que t'en saurais de toute façon, t'as pas de nouvelles d'elle. Tu lui adresses un sourire, un clin d'oeil un peu moqueur, comme si t'étais pas dupe. Dupe de quoi ? Tu sais pas trop.
- Dis moi que t'es dispo maintenant pour boire un verre... J'ai besoin de passer du temps avec quelqu'un d'autre que mes soeurs... Et puis manifestement t'as des trucs à me raconter, tu proposes.
En fait toi aussi t'aurais pas mal de trucs à raconter, mais elle sait que c'est pas ta spécialité.

Croiser Julian n’avait clairement pas fait parti des plans de la jeune femme. Certes, elle avait parfaitement conscience de son retour à lui en ville également, il aurait été difficile d’en être autrement avec le tragique accident qui avait emporter la vie de son père et de quelques autres figures emblématiques de la ville, mais elle avait espérer encore pouvoir jouer l’autruche, faire celle qui ne voit pas en le croisant bêtement en ville... Courageuse mais pas téméraire. Lâche, peut-être un peu, mais elle n’avait pas la moindre idée de comment aborder Julian maintenant qu’ils étaient à nouveau en ville. Comme si quelque chose avait changé. Non, pas comme si, quelque chose avait définitivement changer, mais Iseult n’avait d’autre choix que de faire face aujourd’hui. Leurs regards s’étaient croisés, elle ne pouvait pas faire celle qui n’avait pas vu et dans le fond, il ne méritait pas qu’elle se comporte ainsi avec lui. Lâche. Oui, elle l’était clairement. Et elle avait pris une grande inspiration avant d’aller à sa rencontre, comme pour se donner du courage, malgré le sourire qui s’était affiché sur ses lèvres. Si elle ne pouvait pas l’éviter éternellement, la solution était peut-être malgré tout de faire comme si de rien n’était, rester les amis qu’ils étaient avant de parcourir un bout du monde ensemble, avant qu’elle ne tombe bêtement enceinte. Elle voit la mâchoire du jeune homme se contracter à son arrivée, et elle comprend instantanément que le faire totalement comme si de rien n’était n’est pas la solution à opter. Tant pis. Isy jette un coup d’œil derrière elle lorsqu’il lui demande si elle bosse vraiment là. « On dirait bien. » balança-t-elle d’un ton presque désinvolte tout en haussant les épaules. Toutes les personnes la connaissant savaient que ce n’était pas dans le tempérament de la jolie brune de se trouver un emploi fixe de ce genre, ça avait déjà soulevé pas mal de questions depuis son retour, mais qu’importe. « J’comptais aller me balader un peu, mais va pour le verre. » Un nouveau sourire prend part des lèvres de la jeune femme, plus délicat cette fois. Elle aurait pu refuser et elle aurait peut-être dû, continuer de garder certaines distances, sans même pouvoir réellement expliquer pourquoi il devrait en être ainsi, mais elle ne peut renier maintenant qu’il est là face à elle, que Julian lui manque et que passer un moment en sa compagnie ne peut se refuser. Qui sait, ça lui ferait probablement du bien à elle aussi, lui permettrait de se changer les idées.

D’un signe de la tête, elle lui propose de se mettre en route et tous les deux prennent alors la direction d’un café se situant au coin de la rue. Mains dans les poches, Iseult regarde simplement ses pieds tout en avançant. Un bref silence s’est installé entre les deux amis, silence qu’elle se sent obligé. « Ecoute, je... j’suis désolée de ne pas avoir pris le temps de te rappeler l’autre jour. » Quand elle a vu son nom s’afficher sur son écran et qu’elle a préféré filtrer l’appel plutôt que de lui répondre. « J’ai pas mal été occupée ces derniers temps et enfin bref, peu importe. » Elle hausse une fois de plus les épaules, lui jette un coup d’œil en coin accompagné d’un bref sourire. « Tu veux discuter de ce qu’il s’est passé ou on table sur autre chose ? » Parce que parler de la perte de quelqu’un, elle sait que ce n’est pas toujours évident. Pour certain, ça fait du bien, d’autres préfèrent éviter le sujet. Elle ne cherche pas à le forcer, juste montrer qu’elle est là, s’il en a besoin.

Iseult accepte ton invitation, t'es un peu soulagé. En fait face à sa désinvolture tu te sens un peu mieux, tu la retrouves, rien n'est grave. Vous allez pouvoir discuter, faire un peu comme avant. Franchement t'as besoin de ça, la période est horrible. Tu la suis, marches tranquillement à ses côtés. Ici c'est familier, ce n'est pas comme ces endroits merveilleux ou hostiles que vous avez visité, rien ne va vraiment vous surprendre, vous êtes en terrain conquis, c'est un peu ennuyeux pour vous deux, mais après tout... Il faut bien revenir à la réalité des choses à un moment où à un autre. Cependant y a pas mal de questions que tu voudrais lui poser. T'es étonné de la voir ici, et surtout de la voir posée avec un boulot, c'pas vraiment son genre à Iseult... T'imaginais qu'elle passerait sa vie sur la route. Mais si elle est là c'est bien pour une raison. Comme toi. Mais toi t'es pas encore sûr que tu souhaites définitivement poser tes valises. T'as pas encore décidé qu'il te faut te trouver un boulot, tu te laisses l'opportunité de repartir. Rien ne te retient vraiment.
Vous vous installez sur la terrasse du café, il ne fait pas si froid et ce n'est pas vraiment ça qui vous arrête. Iseult s'excuse de ne pas t'avoir rappelé, elle était occupée... Tu l'observes un instant sans ciller, tu la jauges presque. Tu lui en veux pas tellement mais t'as le sentiment qu'elle te cache un truc. C'est pas vraiment son genre de jouer les inconnues. Ou bien tu la connais peut-être pas si bien que ça... Tu te grattes le front, t'es pas bien sûr de pourquoi t'es venu la trouver en fait..
- C'pas grave, t'en fais pas...
Tu plantes ton regard dans le sien mais vous êtes interrompus par la serveuse qui arrive, elle est jeune, elle s'excuse et vous demande si vous avez fait votre choix. Tu pinces les lèvres, tu laisses Iseult commander et tu fais signe à la serveuse que tu prends la même chose. Tes yeux se reposent sur ton amie après avoir divagué un peu sur la terrasse.
- Je me demande... Tu comptes pas repartir ? lui demandes-tu, J'me dis que je devrais sûrement trouver un boulot moi aussi, postuler à la clinique... J'me vois pas vraiment rester, mais ce serait mieux... Comment tu vis de prendre des douches chaudes? ça te fait sourire, en effet votre quotidien était bien loin du confort d'une maison familiale de pays riches. Vous étiez habitués aux douches froides, à l'eau souvent même pas potable, à planter votre tente n'importe où, dormir sur le sol à la belle étoile.