before you i was nothing (reamac)

Les yeux grand ouverts, il a encore du mal à y croire. Il reconnaît tout ce qui l’entoure et pourtant il a l’impression de toute voir pour la première fois. Il redécouvre tous ces endroits qu’il connaît par cœur. C’est un paradoxe qu’il a du mal à sortir de sa tête. Cela fait quelques jour qu’il est revenu, qu’il a foulé une nouvelle fois le sol de son enfance. Il ne sait quoi penser. Tous ces gestes, ces habitudes se fondent tellement bien dans le décor qu’il rêve qu’il n’est jamais parti. Qu’il semble être tombé dans un univers parallèle où il est resté. Où il a décidé que sa vie était ici, qu’il n’a pas besoin de vivre des aventure. Juste de rester. Pourtant c’est faux. Ce n’est que mirage, qui lui revient à la gueule à chaque fois qu’il voit un visage qu’il ne connaît pas, des magasins fermés où il avait la coutume d’observer. Toutes ces petites choses, banales mais qui lui rappelle qu’il n’a plus sa place ici. Après tout il n’a pas à être amer, c’était son choix de partir. Et il en est heureux, rien que sa fille lui permet de faire partir tous les doutes qu’il a eu pendant des années. C’est aussi pour cette raison qu’il n’est presque jamais revenu sur l’île, il avait peur de ne jamais repartir. Parce qu’il savait que s’ils croisait une nouvelle fois le regard de Reagan, il ne voudrait plus retourner à sa vie à San Francisco. La dernière fois qu’il l’a vu, il avait tellement eu envie de la prendre dans ses bras. Une impulsion qu’il avait remit sur le coup de l’émotion de la situation, de la perte de son grand-père. Pourtant c’est bien pour retrouver ce sentiment qu’il était revenu. Le cœur avait pris le dessus sur la raison. C’est une fois arrivé qu’il s’est rendu compte de ce qu’il venait de faire. De milliers de questions qui tournaient dans son esprit et qui ne l’ont pas quittés depuis. Il ne se cache pas et cependant, il n’a pas eu le courage d’aller la voir. Il ne saurait que lui dire. Sa lettre l’a bouleversé plus que ce qu’il pourrait admettre. C’est en marchant dans les rues de Wexford qu’il arrive à faire le vide, se remémorant ses souvenirs d’enfance et en même temps ils étaient tous reliés à Reagan. Un cercle vicieux qui le fait errer inconsciemment dans la ville tard le soir. Il ne s’inquiète pas pour sa fille, il sait qu’elle sait se débrouiller et qu’elle l’appellerait au cas où. Il soupire en observant l’autre côté du trottoir, comme un touriste perdu. Toutefois son regard tombe sur la devanture d’un restaurant qu’il ne connaît que trop bien. Son pas s’arrête, le laissant au milieu du trottoir. C’est au travers de la vitre qu’il l’aperçoit, ranger et nettoyer les tables. Il a l’impression d’être une âme omnisciente qui observe la scène de loin, mais qui n’est pas présente. Il la suit du regard, son corps attirés comme à un aimant.

Une autre journée avait passé. Aussi calme que les autres. Aussi tourmentée que les autres. Sa vie était une mer ondulée, dont on ne savait rien, qui nous réservait le meilleur comme le pire. Ces derniers temps, le pire était passé. La solitude, Reagan s'y habituait. Après tout, elle avait vécu la même chose près de deux décennies plus tôt. Apprendre à vivre sans quelqu'un, dont la présence avait été un cocon protecteur. Soudain arrachée à ce premier, elle avait tout fait pour survivre, elle s'était plongée dans les études, dans les projets, les voyages, la famille. Au point de s'en oublier en tant que femme. Puis Brendan lui avait construit un nouveau cocon, quand ils en avaient eu tous les deux besoin. Et voilà qu'elle l'avait perdu aussi. Maintenant il s'agissait de retrouver un moyen de survivre, mais clairement à son âge, elle avait fini avec les gros projets de sa jeunesse. Elle avait un travail, elle avait sa famille... mais il lui manquerait toujours quelque chose. Elle avait passé la journée à travailler avec son père, puis elle l'avait encouragé à rentrer. Elle avait besoin de s'activer et Seamus avait toujours l'habitude de faire la majorité au restaurant. Il vieillissait aussi et Reagan l'encourageait à se ménager. Ce n'était pas toujours facile, son père irlandais pur souche était une vraie tête de mule. Seule au restaurant, elle avait alors commencé à nettoyer et ranger. Une playlist de sa jeunesse en bruit de fond. Elle repensait à ces dernières semaines et aux souvenirs qui revenaient en vague. D'ailleurs ils reviennent à l'instant, la replongeant dans sa jeunesse, Brandan, Mac et elle assis à une table après une longue journée de cours. Seamus veillant sur eux de loin. La lettre qu'elle avait envoyé à Mac était resté sans réponse. Reagan ne pouvait s'empêcher d'être déçue et en même temps, elle lui avait dit de ne pas venir. A quoi s'attendait-elle au juste? Cormac ne reviendrait jamais. Il avait choisi sa vie, il avait certainement fait sa vie. Reagan se sentait malgré tout responsable, de ne pas avoir su le retenir, d'avoir une part de responsabilité dans le fait que Brendan avait été séparé de son meilleur ami. Oui la belle rousse se sentait coupable. Elle allait se diriger vers l'arrière boutique, ses pensées pensant sur ses épaules quand elle aperçut une silhouette derrière la vitre. Reagan fut saisie d'un frisson, elle l'aurait reconnu entre mille. Son coeur battait la chamade, il n'y avait aucun doute il l'avait vu, il la regardait. Non, ca ne pouvait qu'être un fantôme. Incapable de vérifier, elle restait immobile, la peur au ventre qu'il ne soit qu'un mirage.

Il aurait voulu faire les choses autrement, il aurait préféré que cela se passe d’une autre manière. La revoir dans d’autres circonstances. Parfois il rêvait de la revoir, de revenir et que tout soit comme avant, qu’ils se retrouvent tous les trois à rire et à escalader les falaises, à suivre Brendan sur son bateau la musique à fond. Maintenant c’est impossible. Il y aurait toujours se vider en la forme de Brendan, la pièce manquante dans son cœur et encore plus dans celui de Reagan il imagine. Quand il a apprit que les deux étaient ensemble et bien.. il ne sait plus comment il avait réagit, il n’avait rien dit sûrement, le silence qui était pourtant meurtrie. Son frère lui avait envoyé un message, pensant qu’il voulait savoir. Au final, peut-être que de ne pas savoir aurait été la meilleure solution pour lui. Puis un élan de culpabilité l’a envahie, il n’avait rien à dire sur leur vie, il ne voulait que leur bonheur et s’ils l’avaient trouvés l’un avec l’autre alors.. Il n’avait rien à dire, il n’était plus là pour donner son avis, les juger ou même être en colère. Il avait perdu tous ces droits le moment où il est parti. Cela n’enlevait rien à la douleur qu’il avait ressentit, mais il ne l’a jamais exprimé. On respire et on avance. Pendant des années, il avait attendu la nouvelle, d’une mariage, d’une naissance, quelque chose qui enfoncerait encore plus le couteau. Mais rien. Encore une fois un paradoxe c’était installé, était-ce une bonne chose ou pas ? Il a continué sa vie avec toutes ces questions dont il pensait ne jamais avoir les réponses. C’est en se retrouvant devant le restaurant qu’il s’est rendu compte qu’il ne voulait pas savoir, tout semblait dénuer de sens. Il se sentait une nouvelle fois comme le gamin de dix-huit ans fou amoureux de la belle rousse. Il la regarda se tourner vers lui, encrer son regard avec le sien et il ne s’était jamais senti aussi présent que maintenant. Il n’osait bouger et il remarqua que c’était le cas pour elle également. Il s’attendait à se qu’elle parte ou qu’elle vienne le voir, mais non, ils se regardaient sans rien faire. Il prit son courage à deux mains, son corps se mit en mouvement plus par pulsion que par instruction. Il poussa cette porte qui indiquait que le restaurant été fermé, cette porte qu’il a poussé des centaines fois lorsqu’il était plus jeune, mais la sensation avait changé. Des frissons montaient dans sa nuque, il ne savait pas par quoi commencer. Il avait envie de lui sourire, de la regarder pendant des heures et lui parler de tout et de rien, comme ils avaient l’habitude de faire, mais il savait que ce n’était sûrement pas la bienvenue. « Hey.. » Pitoyable. Nul. Un gamin qui ne sait pas parler. Il chuchotait presque, la parole  dans un soupire, comme s’il avait peur de casser le silence. Il regarda autour de lui, notant encore une fois les choses qui avaient changés pour le faire revenir au temps présent. « On m’avait dit que tu étais devenu la co-gérante avec ton père mais.. » Son regard retourne sur Reagan et ses mots se perdent, n’ayant plus vraiment de sens. Un poids sur son torse ne la pas quitté depuis qu’il est rentré.Il a envie de dire pleins de choses et en même temps il ne savait pas par quoi commencer. « J’ai reçu ta lettre.. » Bon, commençons par là ? C’est sorti sans penser. Il peut presque sentir la fameuse lettre lui trouer la poche de son jean. Il avait prit l’habitude de la prendre avec lui depuis qu’il l’a reçu, au cas où il avait tout inventé et qu’il se réveille d’un rêve ou d’un cauchemar, il n’arrive pas à décider. .

Ce n'était pas possible. Elle avait dû s'assoupir sur une des chaises, épuisée de la journée, épuisée par la vie qui continue sans qu'elle puisse y faire quoique ce soit. Elle avait du s'appuyer à la table qu'elle nettoyait pour ne pas tomber. Reagan ne le quittait pas des yeux, ce fantôme qui depuis plus de dix huit ans la hantait. Ces souvenirs et ces regrets qui ne la laissaient jamais tranquille. La porte s'était ouverte, sans qu'elle ne réagisse. Ses pas sur le plancher auraient dû la ramener à la réalité, mais rien n'y fait. Elle se revoit, ce jour là quand il est parti. Ce jour là aussi elle avait été immobile. Sa vie aurait été tellement différente si elle l'avait suivi... Il murmura un hey, un peu maladroit, timide, presque honteux d'être là. Reagan, elle, ne bougeait toujours pas. Son coeur défonçait sa poitrine, son ventre se nouait, sa respiration s'accélérait. Non, rien de tout ça ne pouvait être réel. Il n'était pas là. Il n'avait pas franchi les continents et les océans pour revenir ici. En tout cas pas pour elle. Ne lui avait-elle pas demandé de ne pas le faire? Reagan ne savait plus. Ses yeux s'embuèrent au moment où il commença à formuler sa première phrase, une banalité mais dieu que cette voix lui avait manqué. Elle se pinça les lèvres pour retenir ses larmes, et pour s'empêcher de parler. La belle rousse le regardait toujours, perdue alors qu'il lui annonçait avoir reçu sa lettre. Elle aurait aimé être forte, elle aurait aimé qu'il la prenne dans ses bras, elle aurait aimé le mettre dehors, elle aurait aimé lui dire qu'elle était heureuse de le voir. Reagan ne fonctionnait plus. Elle secoua la tête. "Tu n'es pas là." Elle ferma les yeux, comme pour se préparer à les ouvrir à nouveau et à découvrir qu'elle était seule dans le restaurant. S'il avait reçu la lettre, il aurait dû comprendre, il aurait dû savoir toute le paradoxe dans lequel elle se trouvait. Qu'il revienne, qu'il reste loin. Elle ouvrit à nouveau les yeux, déjà surprise de ne pas s'être évanouie sous la chaleur et les émotions qui l'accablaient, mais elle fut bien incapable de retenir les larmes qui l'aveuglaient, et qui commencèrent à couler sans relâche sur ses joues. "Pourquoi Mac? Pourquoi..." Son coeur espérait qu'il dise que c'était pour elle, mais elle commençait à être animée d'un nouveau sentiment, une colère incontrôlée, incontrôlable, de l'avoir abandonnée dix huit ans plus tôt et de l'avoir laissé vivre ce drame toute seule.