done whispering (rory)

Le dernier jour de la semaine, celui qui ponctue le moment où le travail devrait être mis de côté. Clive a toujours mis du temps à part pour se poser, passer voir sa mère, mais parfois la vie ne veut pas accommoder ses priorités, parfois certains travaux ont des délais impossibles à repousser, parfois le bois a pris plus de temps à sécher ou les morceaux reçus du fournisseur n'étaient pas ce qui avait été commandé. Clive aime passer le week-end à remettre la maison en ordre, à bricoler ce qui ne va pas, à cuisiner ce qu'il faut pour les soirs où l'énergie manque. Le temps supplémentaire est passé à travailler sur son voilier. Rory, elle, semble toujours avoir son boulot dans un coin de son esprit, ne laissant jamais complètement ses documents légaux, ses procédures et toutes ces choses auxquelles Clive ne comprends pas un mot. Il lui demande toujours comment a été la journée, espérant un jour saisir de quoi ça retourne, tout ce jargon de grande dame. La semaine a été rude, les projets dépassant amplement les heures de travail habituelles, les soirées raccourcies, alors qu'il s'échouait au dessus de la couette, ayant à peine la force de se jeter dans la douche pour ne pas incommoder Rory de son odeur et des brins de scie qui lui collent à la peau. Clive pousse la porte de leur maison mitoyenne au beau milieu de glenbrook, voulant seulement embrasser Rory et l'emmener manger un repas chaud pour faire taire son ventre qui gronde depuis midi. Elle a encore le nez dans ses papiers, jolie brune sérieuse qui fait valser son coeur. Ça fait toujours plaisir à Clive de la voir là, chez lui, chez eux, quand il revient. - désolé, ça s'est éternisé à l'atelier. Lance Clive, venant frotter sa joue mal rasée contre cette de Rory. - j'espère que t'as passé une bonne journée. ajoute-t'il, évitant de dire que la sienne a été longue et pénible. Il garde pour lui ce qui s'accumule sur ses épaules, loin de lui l'idée de partager autre chose que le meilleur de lui-même. - t'as envie de quoi pour souper, on pourrait aller manger au pub, je crois que le spécial de la journée est le fish and chips. qu'il propose pouvant déjà imaginer l'assiette copieuse et la pinte de bière, de quoi lui remettre le coeur au bon endroit. Après la semaine qu'il a eu, après le bordel dans sa tête depuis qu'il a croisé Lula, il mérite bien de souffler quelques heures devant un bon plat, face à son amour, le temps d'oublier les maux d'une autre décennie.  

elle évite la maison rory, elle sait pas tellement à quel moment elle s'en rend compte. certainement que la remarque de son assistante comme quoi son bureau est devenue sa seconde maison lui met la puce à l'oreille. mais c'est pas facile de faire face à clive tous les jours, de devoir lui mentir en le regardant dans les yeux, de lui promettre qu'elle va bien, parce qu'elle ne va pas bien rory. parce que lula est partout dans ses pensées, que l'angleterre lui manque et qu'elle n'en peut plus de la ville. elle n'en peut plus de devoir s'excuser de ne pas se sentir attristée par la mort d'inconnus, elle en a assez des regards des autres quand elle arrive au supermarché avec une robe et des talons beaucoup trop chers. mais ce soir elle rentre rory, elle passe sous la douche et ouvre une bouteille de vin blanc avant de s'installer à la table de la cuisine, son dossiert ouvert devant elle, ses lunettes vissées sur son nez. c'est pas un dossier facile, c'est un dossier anglais déjà. un dossier qui va la pousser à monter dans un avion dans peu de temps pour se rendre à londres afin de rencontrer son client. elle se demande rory, en silence peut-être mais tout de même, elle se demande si elle aura la force de monter dans un avion et ça la tue de savoir que la réponse sera oui car cela voudra dire revoir lula. puis clive. précisément dans cet ordre. et puis il rentre clive, tard comme toujours, mais peut-elle lui en vouloir. ce soir oui. ce soir elle décide de que l'homme qu'elle aime est responsable de son malheur, de sa culpabilité. parce qu'il ne peut pas être si parfait clive. hm. c'est tout ce qu'il aura droit en réponse à sa question, elle ne se fatigue plus à vouloir lui parler de sa journée, elle a bien comprit qu'il ne comprend pas grand chose et ça l'intéresse pas de parler dans le vite rory. pas ce soir. elle ne lui tend même pas la joue quand il vient l'embrasser. aucun effort ce soir, elle n'a pas la force, pas le courage de mettre le masque rory et c'est égoïste et c'est méchant. et une simple question met le feu aux poudres. le pub. l'endroit sale et bruyant. celui qui sert de la nourriture grasse et sans charme. celui plein de personnes grossières et qui la regardent de haut. elle ne peut pas rory, pas ce soir. la bière elle déteste ça, rien à voir avec le vin rafiné qu'elle déguste ce soir. le vin. lula. elle secoue la tête rory. pas maintenant pas ce soir. wow, y'a pas à dire chéri, le romantisme c'est ton truc hein. elle le déteste ce pub, comme elle déteste le reste, les gens, la météo et c'est hypocrite quand on sait qu'elle aime la grisaille anglaise. c'est vrai tu pourrais m'emmener au reeds, mais pour quoi faire, on peut boire de la bière pas cher au pub du coin. elle laisse tomber la feuille entre ses mains pour tourner la tête afin de croiser le regard de clive. le reeds. lula. encore et toujours, sauf que cette fois la pensée de la brune déclenche quelque chose en elle, un truc qui vient la réchauffer et elle détourne les yeux rory, faussement concentrée sur son dossier, alors que son esprit est ailleurs, prêt à s'enfuir dans une cave à vin ou à barcelone. prêt au combat. prête à s'échapper.  

Clive passe sa paume sur son front, pour le déplier des soucis de la semaine. Son épuisement est brutal, physique comme mental. Toute la ville est en deuil. Et si Clive n'était pas proche des disparus, ils étaient tout de même dans la bande sonore de sa vie, à se croiser régulièrement, à échanger quelques mots sans y penser. Maintenant, il faut se confronter aux visages défaits, à ce manque, cette tristesse qui inonde les rues comme la pluie du printemps. - wow, y'a pas à dire chéri, le romantisme c'est ton truc hein. Claque la voix de Rory, comme une douche froide qui vient lui couper l'appétit. Clive laisse entendre un soupir désabusé, ne sachant même pas d'où vient cette glace dans la voix de son amour. Elle ne lève même pas les yeux pour voir l'effet de ses mots, jolis poignards dans son arsenal d'avocate.- c'est vrai tu pourrais m'emmener au reeds, mais pour quoi faire, on peut boire de la bière pas cher au pub du coin. Continue la brune, allumant la seule mèche qui risque de le faire exploser. Le Reeds, c'est Lula, Lula et ses yeux-tempêtes, Lula qui lui donne envie de tout casser et la tenir si fort à s'en faire mal. Clive ne respire même plus. Je préfères crever de faim plutôt que de mettre les pieds au Reeds. dit Clive, avant de lui faire dos pour s'accouder au comptoir de la cuisine. Ses phalanges ouvrent méthodiquement les robinets pour s'asperger le visage et déloger la saleté qui lui colle à la peau. J'irai n'importe où sauf là. Tu veux pas aller au Pub, allons ailleurs. On peut conduire jusqu'à Dublin, y passer le weekend, je porterai ce que tu veux et on ira manger dans un de ces endroits où il ne faut pas faire de bruit et où il y a trop d'ustensiles. tente de concéder Clive. Dublin n'est qu'à deux heures de routes, c'est pas Londres, mais c'est moins familial que Wexford. Clive tente de retenir les mots qui lui montent à la gorge, mais quelque part sous son amour pour Rory continue de saigner la blessure laissée par Lula. Rory va partir, le quitter, quitter cette ville et ça lui tord les entrailles, ça lui bouffe son espoir. Ou c'est pas encore assez, parce que rien ne sera jamais Londres pour toi. Lance Clive, se détestant d'avoir raison, d'avoir tenté de la faire changer, d'avoir tenter de la garder même si coeur appartient à ailleurs. Il devrait le savoir, depuis le temps, que personne ne resterait ici que pour lui.