meet me on the road to recovery

(ONE) young, nom murmuré dans les hautes sphères de singapour, ignoré des simples mortels et contemplé par les riches éternels. leur place au sommet, ils l’ont bâtie au fil des décennies qu’ils vont diront, mais la vérité est qu’ils l’ont toujours eue. on leur envie leur richesse, qui n’est que discrétion et spéculation, car évidemment ce n’est pas un sujet dont on parle ouvertement, même au sein de la famille. c’est un fait avéré mais non détaillé ni étalé au grand jour, affaire de famille gérée par la main de fer de la matriarche, sa grand-mère. et même ici, à wexford, evie n’aime pas parler de son argent, préférant se fondre dans la masse, ne souhaitant pas influencer ses relations comme cela a été si souvent le cas autrefois.
(TWO) ils se sont rencontrés au lycée, amourette sans destin qui a fini par durer. il a surpris tout le monde, cole, lorsqu’il a réussi à voler le cœur de la froide evangeline young, reine d’indifférence assise sur son trône distant. on la pensait incapable de s’attacher, evie, et pourtant elle ne cachait pas les millions de rubans qui l’attachaient à lui. parce que cole, il était différent. il était drôle et affectueux et compréhensif, écoutait comme la lune et brillait comme les étoiles. rien ne semblait pouvoir les séparer, tirant des plans sur la comète que rien ne pouvait dérailler, ni le temps, ni l’argent et surtout pas leurs parents. ils sont bientôt devenus un couple iconique, ils étaient cole et evie, qui refusaient de se séparer, qui se sont inscrits à la même université, qui ont illuminé londres de leur amour invincible et ont enchanté singapour avec l’annonce de leur mariage prochain. ils étaient vus comme l’union du siècle, scellant une alliance fortuite entre leurs familles qui n’auraient pu espérer meilleur parti pour leurs rejetons. puis il y a ce scandale, ces murmures dans les couloirs, ces clichés d’une autre femme avec cole dans ses bras. il y a eu les cris de sa mère, la fureur de son père, les éclats brisés de son univers. il y a eu les pleurs, la rancœur, les pourquoi infinis et remplis de non-dits. il y a eu la confrontation, cole distant et étranger, ses aveux tirés à bout portant, qu’il ne l’aimait plus, qu’il était resté pour tout sauf elle : la réputation, l’argent, ses parents. mais pas elle. jamais elle. il ne pouvait plus l’aimer, evie, qu’il disait. et evie avec son cœur brisé, elle ne pensait pas partir, ne lui ferait pas ce plaisir, mais les regards de travers lancés par tout le monde et surtout par sa famille, elle ne pouvait plus le supporter, surtout lorsque cole a publiquement et ouvertement été vu aux bras de sa nouvelle petite amie. alors elle a fait ses bagages contre l'avis de toute sa famille, a claqué la porte et s'est envolée pour l'irlande.
(THREE) elle paraît froide, evie, si distante et impassible. ayant grandi dans une ville où chaque fait et geste est scruté, interprété, déformé, manipulé, elle a vite appris à protéger son âme pour ne jamais être dupée. ses parents l’ont toujours mise en garde, qu’être vulnérable c’est être faible, et jamais elle ne pouvait paraître faible, evie. elle perfectionne ses silences de glace et érige ses regards en forteresse impénétrable, seul mécanisme de défense efficace. pourtant elle est sensible, evie, d’une douceur dont on ne la croirait pas capable, pleine de rire enfantins et d’une malice insouciante, pour peu qu’on parvienne à pénétrer ses défenses et percer ses boucliers. mais depuis qu’elle a posé ses valises à wexford, elle a compris qu’ils ne seraient pas utiles ici. bien que parfois les épines ressortent et que la glace se reforme, elle veut s’épanouir, car contrairement à ce qu’on lui a toujours appris, elle a compris qu’être vulnérable n’est pas une faiblesse.
(FOUR) depuis les évènements qui l’ont poussé à fuir singapour, depuis qu’elle a compris les mensonges qui entouraient son amour, depuis qu’elle a réellement compris le nid de vipères dans lequel elle vivait, elle chérit l’honnêteté plus que presque tout au monde. appliquant ce principe aussi bien aux autres qu’à elle-même, elle peut se montrer brutale dans sa franchise et manque encore parfois de tact.
(FIVE) arriver à wexford signifiait également laisser bien plus que seulement singapour derrière elle : cela impliquait un changement radical de style de vie qu’elle ne déprécie pas. son souhait était d’arrêter de vivre dans le luxe total mais de vivre une vie « normale ». même si elle continue toujours de chercher ce que cela signifie réellement, elle s’est très vite rendue compte des éléments superflus dans sa vie et n’a pas hésité à les abandonner, des vêtements de haute couture à la voiture avec chauffeur en passant par les cosmétiques onéreuses et autres futilités dont elle ne voit plus l’utilité. elle apprécie de vivre plus simplement, bien qu’ayant conscience de son style de vie plus qu’aisé.
(SIX) elle n’est pas inscrite sur les réseaux sociaux et n’est pas particulièrement attachée à son téléphone, préférant garder sa vie loin des regards après une vie entière passée à être observée.
(SEVEN) elle apprend à apprécier les plaisirs simples de sa nouvelle vie, qu’elle ne pouvait pleinement vivre à singapour. écouter de la pop commerciale en essayant de ne pas brûler sa cuisine. savourer un thé en lisant un roman à l’eau de rose, lovée dans son canapé en jogging et tee-shirt délavé. se réveiller à l’aube et observer les premiers éclats du soleil, lire un recueil de poésie en savourant la fraîcheur du vent.
(EIGHT) outre l’anglais, evie maîtrise parfaitement le mandarin, qu’elle considère comme sa langue maternelle au même titre que l’anglais, et parle couramment le français et le japonais.
(NINE) son péché mignon, le seul luxe qu’elle n’a pu abandonner a été la gastronomie. manger a toujours été un plaisir pour elle, de la street food à la cuisine d’un chef étoilé, et plus souvent qu’elle ne le voudrait elle cède à la gourmandise en commandant un thé d’exception, une pâtisserie raffinée ou un vin millésimé. aussi a-t-elle voulu explorer l’autre côté et se mettre aux fourneaux, bien que n’ayant jamais fait cuire des pâtes avant d’atterrir à wexford.
(TEN) wexford est son paradis caché, son havre de paix isolé, une escapade nécessaire et volée. elle connait la ville depuis sa plus tendre enfance, lorsque ses parents l’emmenaient y passer une ou deux semaines en été, loin des buildings et de l’opulence débridée. maintes fois elle a entendue l’histoire, celle de ses parents encore étudiants tombés fous amoureux lors de leurs études en angleterre, celle du genou de son père posé par terre, le cœurs aux pieds de sa mère, lui demandant sa main un beau jour d’été sur une plage de cette petite ville d’Irlande. et chaque année le couple revenait se poser dans cette ville qui a été témoin du commencement de leur petite famille, jusqu’à ce qu’evie ne préfère les destinations plus ubuesques prisées par les jeunes filles de son âge dans son entourage. et elle l’avait presque oublié, ce coin de paradis, jusqu’à ce que wexford surgisse des limbes de ses souvenirs. elle sait que singapour la rappellera un jour à elle, que sa famille finira par refaire surface et lui dire de rentrer, mais elle ignore cette réalité et continue de construire sa vie rêvée dans cette ville qui a été sa bouée de secours, son phare dans la nuit, le soleil dans la pluie.