anraì ¤ man is sometimes extraordinarily in love with suffering

¤ Second d'une famille de trois enfants.
L'aîné, destiné à reprendre les rênes de l'entreprise familiale, a préféré plus de prestige et a intégré la Marine. Les deux frères étaient très proches dans le temps. Le départ du premier a engendré une rupture consommée. Blessé au cours d'une opération, il a été reformé avec les honneurs. Il vient de rentrer dans sa ville natale où il a été accueilli en héros par tous. Sauf les siens.
La petite dernière, c'est Maeve, née muette. La prunelle des yeux d'Anraì qui est le seul à ne l'avoir jamais rejeté. Pour elle, il a appris la langue des signes, fait tous les démarches pour qu'elle ait une vie aussi normale que possible. Particulièrement proches, ils se font une confiance aveugle.
¤ Fils de parents divorcés quand il avait dix ans.
Le père a longtemps été chef d'une petite entreprise familiale de pêche vieille  de plusieurs générations. Attaché à l'idée d'héritier, il a privilégié l'éducation de l'aîné, au point de négliger les autres. Après le départ du prodige, il s'est rabattu sur son cadet. Aujourd'hui, il fait sa fierté alors il a fini par lui confier les rênes pour entrer en pré-retraite et soigner son arthrose sévère.
La mère n'a jamais eu un instinct maternel très développé mais profondément amoureuse de son mari à leurs débuts, elle a cédé à ses demandes d'enfants. Peu à peu délaissée, elle a fini par le quitter, laisser les enfants pour aller refaire sa vie. Remariée depuis, elle a eu une autre fille, Brogan qu'elle élève comme une princesse.
¤ Excellent élève, Anraì était cependant destiné à n'être qu'un employé sous les ordres de son frère aîné. Quand l'héritier a mis les voiles, le cadet a récupéré sa place. Usant de son intelligence et de son sens de l'adaptation, il est parvenu à maintenir l'affaire à flot. Celle-ci compte à l'heure actuelle une dizaine d'employés et résiste bien aux grandes compagnies.
¤ Et pour cause. Pour palier aux pertes et rembourser les dettes du père, il s'est engagé sans le moindre scrupule dans une affaire de contrebande qu'il mène dans l'ombre d'une main de maître. L'essentiel de son personnel ignore cette part de l'affaire. C'est mieux ainsi. Il peut cependant bénéficier du soutien de quelques uns de ses hommes en plus de celui de la cadette.
¤ Il a eu plusieurs histoires. Aucune n'a évolué de manière sérieuse. Les affaires passent en premier, les siens aussi. Il offre une façade froide, désintéressé. C'est mieux pour se protéger. Il a très mal vécu la fin de sa première relation amoureuse au lycée. La petite amie a préféré sortir avec d'autres garçons dans son dos. Alors depuis il se méfie, essaye de ne pas trop s'attacher, ce qui conduit souvent à l'échec.
¤ Il n'a pas de problème avec son orientation. Il accepte très bien les attirances des deux côtés, se livre à des relations avec des hommes comme des femmes sans arrière-pensée. Mais jamais en public. Les seules histoires qu'il affiche sont celles qu'il entretient avec les femmes. Il tient aux apparences, à son image.
¤ Excellent en calcul mental, il possède une très bonne mémoire des chiffres. Ça se révèle particulièrement utile pour ses affaires et pour le trafic. Il ne tient les comptes que dans sa tête, ne laissant ainsi aucune trace. La comptabilité fut l'un des premiers domaines dans lesquels il a choisi de travailler en entrant dans l'entreprise. C'est encore lui qui s'occupe les livres de compte.
¤ Excellent également en cuisine. Il peut passer des heures dans la sienne à tester toutes sortes de choses. Ça l'aide à réfléchir. La cadette est sa goûteuse personnelle.
¤ Il a tenu à connaître tous les ressorts du métier des membres de son personnel et ce, bien avant de finir à leur tête. Il connaît ainsi très bien les techniques de pêche, la navigation. Et il peut réparer un bateau si les manipulations ne sont pas trop compliquées.
¤ Il fait de la boxe en amateur depuis quelques années, surtout depuis qu'il est entré dans l'illégalité. Il sait aussi tirer mais n'est pas très bon pour viser. Il évite donc, autant que possible. Sa droite est, en revanche, excellente.
¤ Il possède une bonne mémoire photographique pour les images en plus des chiffres. Il peut ainsi dessiner très facilement de tête. En revanche, il déteste écrire et le fait très peu. En ces rares occasions, son écriture est pratiquement illisible. Il n'y a que la cadette pour réussir à le déchiffrer.
¤  Il n'aime pas spécialement lire à deux exceptions près : la presse et les recueils de poésie. Le reste demande trop de concentration. Il déteste lire à voix haute sans avoir pourtant de difficulté particulière à le faire. Chaque matin, il avale une quantité importante de presse quotidienne mais ne lit des recueils que selon les périodes. C'était l'un des rares points communs qu'il possédait avec sa mère alors de temps à autre quand la nostalgie le prend, il se replonge dedans.
¤ Il adore les films muets et les vieux films en noir et blanc. Il ne va pratiquement jamais au cinéma parce qu'il n'aime pas du tout le cinéma moderne. Ses goûts de manière générale sont plutôt anciens. Il n'écoute la musique que sur un tourne-disques et ne possède que des vinyles. Il n'aime pas spécialement non plus la musique moderne, n'en écoute que pour faire plaisir à la cadette.
¤ C'est un grand supporter des St John's Volunteers (football gaélique) pour lesquels il a joué pendant quelques années avant de se consacrer à l'entreprise. Aujourd'hui encore, il manque rarement un match.
¤ Lève-tard contrarié, il se lève pourtant très tôt pour être à l'entreprise en avance mais il vaut mieux ne pas trop le déranger au cours des premières heures. Lors des rares jours de congé qu'il s'accorde, il passe généralement la majeure partie à dormir. Il peut cependant veiller jusqu'à très tard et en profite alors pour abattre une partie de son travail après les heures de fermeture.
¤ Il ne possède qu'un seul tatouage. Il est en braille et c'est la devise en latin de la ville qu'il s'est réapproprié avec sa cadette qui possède le même : Per aquam et ignem.
¤ Il n'a quitté l'Irlande qu'une seule fois pour se rendre au Pays de Galles. Contrairement à l'aîné, il n'a jamais éprouvé l'envie de partir. Il a cependant promis à la cadette de l'amener un jour en France, promesse qu'il entend bien tenir un jour. Il a même pris quelques cours de français pour quand l'occasion se présentera. Il se débrouille un peu mais son accent est à couper au couteau.
¤ Il a été élevé dans un environnement très religieux notamment du vivant de ses grand-parents. Même après leur mort, le père a tenu à continuer de les embarquer tous les dimanche à l'église. C'est sans doute ça qui lui permet de pardonner à l'aîné. Ce n'est pas le cas d'Anraì qui a cessé de croire depuis bien longtemps.

I. 1995 | October 18th / 20h

Partie. Le mot a claqué. Partie. Sans un regard ou un sourire, pas même une explication. Tout le reste a perdu de l'importance. Qu'est-ce au fond ? Quelques années à peine. Une porte qui se ferme. Les cris ont laissé place au silence, à l'abattement. L'aîné a quitté la pièce aussitôt l'annonce faite. Furieux, marqué d'un regard d'incompréhension. La cadette ne comprend pas. Elle observe les personnes présentes sans comprendre. Elle ne dit pas mot. Elle ne dit jamais mot. Le son de sa voix n'est jamais parvenu à trouver son chemin. Alors elle se rapproche de lui. Le seul qui, par des gestes peut-être, peut l'aider à comprendre. Lui, c'est Anraì. Le second. L'enfant du milieu. Il a dix ans et il est figé dans son silence. Son regard est fixé sur la silhouette recroquevillé du père. Mais le père a cessé de parler. Elle est partie. Que pourrait-il dire d'autre ? La mère les a laissé. Tous. Elle est partie dans la nuit sans se retourner, sans laisser une note, sans adresser un mot à ses trois enfants. Le père se lève finalement de la chaise sur laquelle il s'est effondré et quitte lui aussi la pièce. Quelques secondes à peine et le son d'une nouvelle porte qui claque résonne. Le lieu est vide ou presque. La cadette continue de fixer son frère. Il ne parle toujours pas. Pas même avec ses doigts. Quand il relève la tête vers elle, c'est pour lui offrir des prunelles noyées de larmes. Quand sont-elles venues y naître ? Il n'en sait rien. Il semble être devenu muet lui aussi. Peut-être parce qu'à l'image de son père, il ne trouve rien à dire. Il l'observe alors, lui fait signe de se rapprocher de lui. Et dans le silence lourd qui règne entre les meubles, il la serre entre ses bras, la ramène sur ses genoux et la berce. Les paroles sont silencieuses. Mais elles sont là. Elles disent ne t'inquiète pas, tout ira bien. Nous irons bien. Ça n'est rien. Maman est partie mais ça n'est pas grave. Nous serons forts sans elle. Nous serons tout. Tu verras. Tu verras. Aucune voix ne vient briser le silence. Désormais, il n'y a plus que des sanglots. Des flots de larmes qui se perdent sur des joues bien trop jeunes et qui remplacent tous les mots.

II. 2000 | March 25th / 22h

Le meuble se brise. Les éclats sont éparpillés dans toute la pièce mais personne n'y prête attention. Les cris prennent tout. Ils fusent sans temps mort, tranchants comme des lames de rasoir. Ils taillent dans le vif, créent des plaies qui ne se fermeront jamais. Ils devraient sans doute. Ils devraient arrêter de crier, de se jeter des mots qu'ils finiront par regretter. Mais la raison est partie en cavale. Il ne reste qu'eux. Eux et leur vérité. Eux et la tombée du masque. La cadette observe la scène, effrayée. Elle ne sait pas où se mettre. Le père et l'aîné ont entamé leur dispute il y a quelques minutes mais elles paraissent déjà des heures. Son frère n'est pas encore là. Elle se demande où il peut être. Lui seul pourrait faire cesser les cris. Il arrive finalement, regarde la scène sans comprendre. Il se tourne vers la cadette. Elle ne sait quoi lui dire. Elle est pétrifiée. Alors il ne réfléchit pas davantage. Il se met entre eux, tente de les séparer, de comprendre ce qu'il se passe. Le regard de haine que lui offre son aîné le glace. L'aîné, c'est tout. Il adore sa cadette. Il l'aime à en crever. Mais l'aîné, mais Colm, c'est son frère. Son modèle. Son meilleur ami même. Qu'y-a-t-il donc fait pour mériter cette lueur dans ses prunelles ? Les deux hommes se séparent finalement. Le calme revient, semble s'installer le temps d'une seconde. Et puis l'aîné renonce. Il s'en va. Le père tente de le retenir mais rien n'y fait. Il l'a perdu. Lui aussi. L'aîné claque la porte, s'enfonce dans la nuit. Mais Anraì ne peut pas le laisser partir. Pas lui aussi. Pas après la mère. Il est là cette fois. Il peut le retenir. Il s'engage après lui, le suit à l'extérieur, le rattrape en quelques pas. Il se met face à lui mais Colm le repousse. Les mots claquent alors "Fous-moi la paix, Ani. Rentre à la maison. Moi, je rentrerai pas. Je serai pas le pantin de Père. Maman a réussi à s'enfuir mais nous, il nous tient encore. Moi, je veux pas de ça. Je veux plus que ça. Je veux vivre. Je veux être libre. Je veux me battre pour mon pays si j'en ai envie. J'en ai assez de tout ça. J'étouffe. Tu comprends ? Maintenant, fous-moi la paix. Je m'en vais."
Mais Ani reste là. Il ne bouge pas. Il n'y comprend rien. Colm, c'est le fils parfait. C'est l'aîné, c'est l'héritier. Il a toujours tout bien fait. Pourquoi partirait-il maintenant ? Ca n'a aucun sens. Non, aucun. Alors quand il tente de passer et de le laisser derrière, Ani le retient. Il ne comprend pas. Le ton monte alors, la colère se tourne contre lui. "Fous-moi la paix, Ani. Tu vaux pas mieux que lui. T'es enfermé dans ta petite tête. Réveille-toi, t'existes pas, Ani. Tu cherches l'approbation de Père, tu cherches la mienne. Au fond, t'es juste une ombre. Tu deviendras jamais rien. Maintenant laisse-moi partir. Ca te va peut-être de dépérir mais moi, ça m'intéresse pas. Alors dégage. J'en ai marre de toi."
Il tente de repartir à nouveau mais cette fois, Ani ne le retient pas. Il ne bouge pas. Il est figé. Quand son frère en est-il venu à le haïr autant ? Qu'a-t-il donc manqué ? Est-il si aveugle ? Est-il si bête ? Le vrombissement d'une voiture parvient à ses oreilles mais il n'a toujours pas bougé. Il est toujours là. Et soudain, il s'effondre. Ses genoux heurtent le sol en gravier du sentier de l'entrée et s'écorchent. Mais la douleur n'est rien. Elle n'offre aucune comparaison à celle de son cœur qui vient de se briser en milliers de pièces. Il reste là à pleurer pendant un temps qu'il ne parvient pas à compter. Il fait froid, il fait sombre, il fait vide et le silence une fois encore n'est rompu que par des larmes. Au bout d'un temps sans nombre, il sent des bras l'enrouler. Ses yeux sont taris, aveugles mais il reconnaît le parfum à la vanille de sa cadette. Sa Maeve. Elle est encore là. Elle est toujours là. Elle l'aide à se relever, le ramène à l'intérieur. Le père a quitté la pièce. Elle l'assoit sur une chaise et le serre contre elle. Cette fois, c'est elle qui le rassure par son étreinte, par la force de ses petits bras et fait parler le silence. Il dit ne t'inquiète pas, tout ira bien. Nous irons bien. Ça n'est rien. Colm est parti mais ça n'est pas grave. Nous serons forts sans lui. Nous serons tout. Tu verras. Tu verras. Le calme s'installe peu à peu, les larmes s'amoindrissent. Et la nuit les enveloppe sans un bruit, froide mais rassurante, plus forte que les mots.

III. 2015 | June 11th / 13h

La procession s'avance, silencieuse et lente. Les pas résonnent sur les graviers, portés par un vent trop frais pour un mois qui annonce l'été. Elle s'arrête finalement. Chacun trouve une place. Le prêtre prend celle au centre. Il entame sa parole, son discours de bénédiction. La mère est là. Elle est triste. Le temps ne lui a pas rendu service. Le beau-père lui tient le bras, lui tapote le dos avec maladresse. Quel imbécile vraiment. Il affiche une mine abattue alors qu'il détestait l'homme. Un bel hypocrite. Alors il détourne le regard. La main de la cadette n'a pas quitté la sienne depuis qu'ils ont quitté l'église. Ses yeux sont mouillés mais ses larmes à elle sont sincères. Elle aimait vraiment l'homme et celui-ci le lui rendait bien. Bien mieux que le père. Bien mieux que la mère dont il était pourtant le frère. L'homme, c'était l'oncle. C'était Diarmuid. Il était drôle, il était vibrant. Il parlait bien et chantait mieux encore. Il aimait vivre, il aimait boire aussi. Il s'est crashé au volant de sa voiture avec plus de litres dans le sang que dans le fond de sa bouteille. La mère disait toujours qu'il se tuerait ou que son foie le ferait. C'est finalement l'homme qui a gagné. En cet instant, il lui veut. Il en veut à cet oncle qui l'a toujours traité bien mieux que le père, qui est resté même après le départ de la mère, qui l'a soutenu après la fuite de l'aîné. S'il se rapproche tout doucement des clés de l'empire, c'est à lui qu'il le doit. Pourtant lui aussi, il part. Pas de son plein gré mais le chagrin n'est pas rationnel. En cet instant, il lui en veut, il est en colère. Il le blâme pour son addiction à la bouteille. Il écoute le prêtre d'une oreille raconter toutes sortes d'inepties. Il observe la foule venue le pleurer. Il reconnaît chaque visage. Il y en a un qui manque. L'aîné n'a pas daigné se déplacer. Il sait pourtant, Anraì y a veillé. Mais il n'est pas venu. C'est sans doute pour le mieux mais il le déteste quand même. Lui et ses rêves de gloire. Lui et son courage de pacotille. Qui reste-t-il désormais ? Le père qui tombe en ruine, la mère qui brille toujours autant de son absence, le beau-père et son mépris, la demi-sœur et ses yeux hautains de petite fille riche. Le fils du beau-père qui l'observe. Aussi brun qu'il est blond. Il n'y a pas de tristesse feinte dans son regard, ni de fierté déplacée. Il met un temps à saisir que ce qu'il y voit est de la curiosité. Mais envers qui ? Envers lui ? Ou envers elle ? La seule qui reste. La seule qui compte vraiment au fond. La cadette. Elle a grandi, elle est devenue belle. Elle ne parle toujours pas mais ses gestes parlent pour elle. Sa main est toujours ancrée dans la sienne. Tout ira bien, tout ira bien. Le prêtre finit enfin son oraison et des hommes s'avancent pour la mise en terre. La pluie s'invite à la cérémonie et se mêle aux larmes. Elle se noie dans les siennes.

IV. 2015 | June 11th / 15h

La cacophonie des paroles se perd dans les étincelles de l'orage. La pluie s'est intensifiée, les éclairs sont venus la rejoindre. Ils sont à l'abri, à couverts. Ils parlent comme si de rien n'était, comme si personne ne venait d'être enterré. La cadette a lâché sa main. Il ignore où elle se trouve. Appuyé contre un mur, il observe la foule, la valse des sourires, des embrassades. C'est d'un ridicule confondant. On lui propose un verre, il le prend sans le boire. Il cherche le père du regard mais il ne le trouve pas. Sans doute est-il en train de prendre la relève, de se saouler à son tour. Il aperçoit la mère qui joue les veuves éplorées. Elle vient pourtant d'enterrer son frère à qui elle ne parlait plus depuis des années. Elle est aussi hypocrite que le beau-père finalement, quel beau couple assorti. La demi-sœur est scotchée sur son téléphone avec une expression d'ennui profond. Seule jeune au milieu d'une foule d'adultes pour les funérailles d'un homme dont elle connaît à peine le nom. Il détourne son regard, envisage une seconde de boire ce fameux verre mais quelqu'un vient lui faire la conversation. Il n'est pas d'humeur mais il ne dit rien. Il le reconnaît alors. Le beau-fils de sa mère. Le fils de la tête de con. A première vue, il n'a pas pris de lui. C'est sans doute pour le mieux. Il lui épargne des condoléances peu sincères, s'intéresse plutôt à lui. En d'autres circonstances, il se dirait qu'il est venu le draguer. Après tout, ils n'ont aucun lien de parenté. Mais là, tout de suite, il n'est pas intéressé. Il remet un nom sur son visage. Fergus. Avocat pour ce qu'il en sait. Il lui parle de ses affaires, de son entreprise. Il a retenu son attention. Sa société, c'est sa fierté. Le joyau de la famille. L'aîné y a peut-être renoncé mais lui ne l'a pas laissé passer. Il y tient malgré les difficultés, les requins qui veulent le pousser à vendre, à s'associer. Il résiste tant bien que mal, bien plus que le père. Il refuse de céder. Fergus semble le comprendre, trouve même ça honorable. Ca y est, Anraì est intrigué. Il n'est pas bête. Il sait que ça n'est pas simplement de la courtoisie. Alors qu'est-ce que c'est ? Le beau-fils pose alors la question. Jusqu'où est-il prêt à aller pour la garder, pour la maintenir en vie ? Anraì le sait. Bien sûr qu'il le sait. Aussi loin que possible. La réponse paraît satisfaire. L'avocat a une idée. Il lui donne rendez-vous. Le lendemain. Dans un lieu dont il n'a jamais entendu parler. Qu'il vienne s'il est intéressé. Fergus le laisse finalement, lui offre un temps de réflexion. Anraì observe une nouvelle fois la foule, le flot des paroles. Il pense à l'aîné. Il pense à la cadette. Il pense au père. Et puis il pense à l'oncle. Certains disent que c'est la bouteille qui l'a tué. D'autres que c'est l'accident. Mais lui, il sait. Il sait combien l'oncle à donner pour cette entreprise qu'il a refusé de quitter même après le divorce de sa soeur. Le lendemain, il sera là. Le lendemain, il viendra. Il a décidé. Il est intéressé.

Le lendemain, il est là, en effet. Il les écoute parler, il écoute Fergus lui présenter l'idée. Il sait que c'est risqué. Que s'il se fait prendre, il perdra tout. Mais s'il ne fait rien, il ne tardera pas à le faire. Alors il dit oui. Il négocie. Il maîtrise les chiffres à la perfection. Il ne se laissera pas arnaquer. L'accord est finalement scellé. Il sort de cette réunion impromptue, satisfait. Il vient de gagner sa bataille lui aussi. Il n'y aura plus de larmes.