back when we were kids (elwyn)

elle lève son visage vers le ciel, evie, et il lui semble que le vent lui rapporte les rires innocents qui avaient peuplé son enfance. elle revoyait les journées passées au bord de la mer, les pieds pleins de sable à force de courir sur la plage, ses cheveux balayés par le vent lui fouettant le visage tandis qu’elle rejoignait ses parents. les pique-niques soigneusement préparés, s’étirant jusqu’en début de soirée, après un sandwich de trop et une sieste improvisée. elle sourit doucement face à ces souvenirs de vacances et se demande ce qui a changé. quand est-ce que ses parents ont échangé le bonheur d’une vie familiale réussie pour la fierté et l’argent. quand est-ce qu’elle s’est mise à se soucier davantage de sa réputation au point de délaisser ce lieu de vacances. quand est-ce qu’elle a perdu son innocence, quand est-ce qu’elle a commencé à suivre le chemin de ses parents, dans cette quête d’une gloire futile à exhiber au sommet des gratte-ciels d’une île coincée au bout de la malaisie, peuplée de pauvres mortels se croyant demi-dieux, se méprenant sur leur ascension aux cieux.

un soupir lui échappe et evie se laisse gagner un instant par tous ces sentiments qui l’habitent – mélancolie, colère, tristesse, une pointe de regret.
(les souvenirs d’été, une ville délaissée, une âme désenchantée)

reprenant sa balade, son regard glisse sur les façades pittoresques qui s’alignent dans son horizon – et s’arrête. elle fixe cette petite auberge aux airs rustiques, evie, un sentiment d’ancien et de déjà vu s’infiltrant dans ses veines. ses pieds l’amènent jusqu’à la porte sans qu’elle ne s’en rende compte, et déjà elle pousse le lourd battant. « bonjour », qu’elle lance doucement, lorsque ses yeux rencontrent ceux d’un jeune homme brun, dont les traits ont perdu leur candeur d’enfant, qui empêchent evie de le reconnaître immédiatement.

le jeune homme tente un sourire et evie le lui rend, une timidité étonnante s’immisçant dans son être, teinté d’un quelque chose d’autre – serait-ce de la gêne ?- qui lui donne soudainement le sentiment de redevenir une enfant. elle a grandi dans la richesse et le pouvoir, evie, avec pour ordre de ne jamais baisser la tête, et de porter sa confiance en elle-même illusoire comme une seconde peau. il est rare de la voir autrement que calme et sûre d’elle, maître de la situation, alors ne pas savoir trop quoi dire, ne pas trop savoir quoi répondre à son « j'peux faire un truc pour t-.. vous? », c’est étrange, déstabilisant… et étrangement libérateur. c’est un rappel constant qu’elle ne vit plus dans un monde d’images et de paraître, où elle n’a plus besoin de contrôler ses moindres faits et gestes. mais cela ne l’empêche pas de ne pas apprécier la sensation, celle de perdre le contrôle. alors evie, elle cache son malaise derrière un autre sourire, en entrecroisant ses doigts pour éviter de se tordre les mains. « je passais juste devant votre auberge et j’ai – j’étais curieuse alors je suis entrée. » un presque-bredouillement hautement inhabituel mais elle ne sait pas quoi dire, evie. après tout, difficile d’expliquer à un inconnu qu’une pulsion lui avait fait franchir le pas de la porte, jaillie de nulle part, sans aucune raison. elle-même n’a aucune justification à s’offrir, alors lui expliquer à lui ? elle le suit des yeux tandis qu’il se glisse derrière le comptoir, et pendant un très bref instant, leurs regards se croisent. (familiarité certaine, encore cet air de déjà vu, mais tellement inconnu. comment ?) elle s’avance de quelques pas et jette un coup d’œil aux différents guides qui semblaient l’occuper avant son arrivée, avant de se poser à une distance courtoise de lui. « cela fait longtemps que l’auberge a ouvert ses portes ?. » intérêt poli qui peut s’entendre dans sa voix, les bonnes manières reprenant le dessus et elle s’accroche à la courtoisie, jeu d’excellence dans lequel elle excellait, pour ne pas trop inquiéter le jeune homme - pour gagner du temps et comprendre ce qui l’avait amené ici. elle a besoin d’indices, evie, et sait plus que quiconque combien l’échange de trivialités peut receler d’informations. mais cette fois, sans manipulation, sans arrière-pensées malveillantes ni méchantes intentions. juste de quoi satisfaire sa curiosité.

sourire amusé face à son trait d’humour, second coup d’œil chaleureux en direction de sa part, et evie décide qu’elle l’aime bien. elle ne saurait dire s’il s’agit de l’innocence de ses traits, qui les rapproche en âge, ou encore la maladresse de ses gestes, qui se veulent naturels sans parvenir à l’être. elle ne sait pourquoi elle ressent cette affection pour lui, presque enfantine, qui rappelle les rayons de soleils et les cours de maternelle. « et donc maintenant, c’est vous qui le gérez ? » ses prunelles rencontrent les siennes sans hésitation cette fois, curiosité pleinement assumée tandis que la glace continue de se briser. envie d’en savoir bien plus, de découvrir ce qui se cache derrière le sourire poli et les manières courtoises. qui semble être réciproque, au vu de sa question. « et moi qui voulait me fondre parmi les locaux, c’est raté ! » qu’elle s’esclaffe de bon coeur, décidant de continuer les touches d’humour dans l’espoir de rendre leur conversation plus conviviale que simplement aimable. « qu’est-ce qui m’a trahi ? mon visage ou mon accent ? » amusement perceptible dans sa voix, pour lui faire comprendre que c’était à prendre sur le ton de la plaisanterie. c’est agréable et différent pour evie qui n’est pas habituée à autant de légèreté. son ancien entourage aurait sans doute été choqué de la voir si familière avec une personne étrangère, mais elle ne sait pourquoi elle ne sent pas le besoin de dresser ses barrières avec lui. juste un confort en sa présence qui l’intrigue profondément. « je suis arrivée il y a deux mois à peine, mais j’étais déjà venue à wexford quand j’étais enfant. » elle ne rentre pas dans les détails parce qu’elle est habituée à les garder privés, et parce qu’elle ne souhaite pas s’appesantir sur les conditions de son arrivée. aucune envie d’évoquer son passé, son ancienne vie, l’humiliation et son cœur brisé. elle ne veut pas lire de sympathie ni de pitié dans le regard de son interlocuteur, ne veut causer de gêne dans leur conversation qui n’a pas encore commencé à s’éloigner des trivialités. elle ne veut surtout pas centrer la conversation sur elle, ayant en horreur l’attention après une vie passée à en recevoir, et surtout, c’est de lui dont elle est curieuse. lui et cette auberge. « et vous ? je suppose que vous êtes toujours resté à wexford avec votre famille depuis que votre arrière grand-père y a ouvert les portes de l’auberge ? » bien qu’elle se doute de la réponse, la question échappe quand même ses lèvres. evie ne parvient pas à comprendre où est-ce qu’elle aurait pu l’avoir rencontré, l’angleterre étant la seule possibilité qui lui vienne en tête. aucune trace de ce visage dans ses souvenirs de londres, mais elle ne croit pas sa mémoire infaillible, evie. et même si l’impression qu’elle a de cet inconnu ne renvoie pas à l’atmosphère lourde et urbaine de la capitale, les couloirs bondés de son université ou les soirées étudiantes trop alcoolisées, elle se dit que peut-être ?